Chronique n°5: Freddy - Les Griffes de la Nuit

Continuant sa remise au goût du jour (pour le pire et pour le meilleur du pire ) de classiques de l'horreur des années 70-80, le studio de Michael Bay, Platinum Dunes, s'est attaqué cette fois-ci au film culte de Wes Craven*. Et loin d'être un ratage total, le remake reste sans cesse dans l'ombre de son illustre modèle de 1984 et ne le surpasse pas un seul instant.

La première erreur dans ce remake/reboot était de choisir un réalisateur sans expérience, qui loin d'être un manchot en mise en scène, n'impressionne jamais par des plans audacieux et se contente de remplir son cahier des charges de film d'horreur basique. Utilisant une forte dose de jump scares, procédé consistant à provoquer un sursaut en utilisant un changement brusque de ce qui se passe à l'écran et s'accompagnant le plus souvent d'une violente montée du son. Le film lasse par ses effets téléphonés et sa redondance dans la peur censée être ressentie dans ces moments là.

La seconde erreur faite ici est le fait que les personnages, campés par des acteurs certes moins tête à claques que ceux du remake de Vendredi 13, soit totalement "lisses" et n'attirent pas la sympathie du spectateur. Donc comment l'impliquer émotionnellement avec des personnages non attachants  ?

La principale caractéristiques des slashers étant l'envie, pour le spectateur, de voir certains personnages mourir du fait de l'empathie qu'ils sont censés susciter ou au contraire le souhait de voir survivre un personnage de par son caractère singulier. Le métrage aurait peut-être gagné en impact émotionnel si il avait eu cet angle d'approche, à savoir des protagonistes archétypaux de slasher à l'extrême opposé des personnages présentés ici, qui ne dégagent aucune individualité caractérielle et donc provoquent le détachement complet du spectateur vis-à-vis de leur sort.

La grande nouveauté de ce remake est le changement d'acteur interprétant Freddy :  Jackie Earle Haley remplace ainsi Robert Englund qui avait jusque là porté le vieux chapeau brun du croquemitaine lors de 8 films et d'une courte série télé. Haley (génial en Rorschach dans Watchmen !) applique au personnage un caractère moins clownesque que les sequels de l'original avait tendance à beaucoup trop exagérer (le summum du ridicule étant Freddy jouant à un jeu-vidéo dans Freddy 6 - L'ultime cauchemar ). Une composition qui est donc un bon retour au source et qui assied les caractéristiques du tout premier opus : un brin d'humour très noir, une tendance à retarder la mort de ses victimes au maximum en les terrorisant au préalable un minimum et un grand attrait à la perversité.

L'aspect pédophile de Freddy durant son vivant est cette fois-ci exposé plus explicitement que dans l'original, ce qui confère au film un aspect plus glauque et plus malsain. L'idée est plutôt osée et propose une relecture des origines du croquemitaine à peine entra-perçue dans le film de 1984 et un peu plus développé dans le reste de la saga. Tout ce segment se fait un peu à la manière du remake de Halloween, où le réalisateur s'intéressait de près à la jeunesse de Michael Myers, mais avec pour le tueur au pull rayé, un traitement psychologique et séquentiel malheureusement moins poussé.

Malheureusement le seul argument de revoir Freddy au mieux de sa forme, avec un nouvel acteur tout aussi charismatique, loin des dérives comiques passées du personnage, ne suffit pas à faire de Freddy - Les Griffes de la Nuit un bon remake. Le film se présente donc comme une présentation de ce personnage iconique à une nouvelle génération de spectateurs gavés aux clips (le réalisateur est d'ailleurs un des réal' ayant shooté des clips pour Nirvana) qui ne connaissaient pas du tout l'original et qui trouve qu'un film "datant des années 80 est obsolète".

*Les Griffes de la Nuit de Wes Craven, sorti en 1984 avec Robert Englund, Heather Langenkamp, Johnny Depp.